31 janvier 2007

Le rire de l'eau

Elle n'est pas triste, la pluie, chaque goutte légère
Qui glisse sur ma joue attrape une étincelle,
Une étoile, comme un duvet ténu sur ma peau.
La ville lumineuse oublie son air sévère
Et ce plic ploc léger, ho joyeuse crécelle,
S'alanguit et se hâte, impossible tempo.

Elle n'est pas triste, la pluie, elle dilue la crasse
Et fait briller les rues, canaux de jais luisant,
Transportant sur leurs rives les fleurs épanouies
De parapluies ouverts, tout habillés de strass.
Et ce frisson de l'eau, au rire des passants
Lié quelques secondes déjà se désunie.

Elle n'est pas triste, la pluie, elle pare ma bouche
Bien mieux qu'un fruit d'été au jus rouge et sucré.
Quand je l'ai bien gouté, les yeux au firmament,
Dans la lueur du feu, je vais faire ma couche.
Volets fermés, par le chant de l'eau rassurée,
Je laisse aller mon corps aux baisers de l'amant.

Aveu perdu

L'as tu bien dit? J'ai cru entendre comme un souffle,
Un doux murmure presque inaudible, un chuchotis
Comme un bruit d'aile, un clapotis, l'as tu bien dit?

J'ai du rêver et m'inventer une espérance,
Je cherche en vain dans ton regard la vérité,
Une étincelle, une flamme, j'ai du rêver.

À cache cache derrière les mots, te trouverais-je,
Où n'y aura-t-il qu'un mirage, une illusion?
Je me découvre, tu te complais à cache l'âme.

Qui cherche qui? Dans le reflet de ces miroirs
Les alouettes se démasquent, se dissimulent
Et nos images se dévisagent, qui cherche qui?

Que faut-il croire? Nos amours pourtant défuntes
Ou nos toujours désabusés, ou tous ces jours
Qui virent nos coeurs enlacés, que faut-il croire?

À nos "Je t'aime", passés, présents, futurs peut être?
À tous ces mots, entendus, inventés, rêvés,
Ces aveux que j'ai cru surprendre, à nos "Je t'aime".

Rêverie

Quand le jour se lève, petite heure frileuse,
Je respire sans hâte le parfum du soleil.
Je vois toute la ville et ses maisons peureuses
Qu'éblouissent si fort les clairs rayons vermeils.

Une île de nuage s'étire comme un rêve,
Des arbres ensommeillés abritent sous leurs branches
Des hommes éblouis par la nuit qui s'achève
Et des femmes alanguies se serrant sur leur hanche.

Guidé par la lumière, mon regard s'emmerveille,
Je vois mille couleurs noyées dans un halo,
Encore embrumée mon âme est chavirée.

Pendant que je rêvais, tout en bas les autos
Qui circulent, insolentes, soudain m'ont réveillée.
S'emmêlent dans ma tête, les saveurs, les odeurs.

Celle qui...

Tu enroules à mon doigt le souffle de ta vie,
Troublante marionnette qui n'en fait qu'à sa tête,
Tu devances, indécente, mes secrètes envies
Et tu rythmes ma vie du tempo de tes fêtes.

Je n'y vois pas plus loin que le bout de ton nez,
Qui se plisse, taquine, quand tu tisse un mensonge
Pour me prendre à ta toile. Délicate araignée,
Danse sur l'écheveau plus légère qu'un songe.

Viens, douce enchanteresse, me montrer des diamants
Où nulle autre que toi ne verrait que rosée,
Ensorcelle mes heures de merveilleux serments
Lacés en arabesque, enflammés en brasier.

Tu tiens, ma funambule, dans le creux de ma main
Où tu t'endors, sereine quand la nuit s'abandonne.
Je te veille, fiévreux, pour voir au lendemain,
S'ébattre tes longs cils où les rêves frissonnent.

Oh, tranquille luciole luisant dans mes rêves,
Éclaire le chemin qui mène jusqu'à toi.
Magicienne, tu crées pour mes jours les plus sombres
Le reflet des étoiles, le frisson de la soie.

Je reste suspendue à tes lèvres rieuses
Par un long fil d'argent, plus ténu qu'un cheveu.
Ne soit pas trop cruelle, oh amie mystérieuse
Et garde pour parure sur ce fil mes aveux.

Brisure

J'ai froissé d'autres draps depuis notre brisure
Et mêlé ma sueur à bien d'autres moiteurs,
J'ai allumé mes yeux à bien des impostures,
Apaisé mes terreurs contre d'autres douceurs.

Meurtrie par d'autres mains, j'ai appelé les tiennes
Et leur danse impudique sur ma peau enfièvrée
Mais ce ne sont jamais tes mots qui me retiennent
Quand au bleu de l'aurore je veux me délivrer.

J'ai consumé mon coeur au feu d'autres passions
Et noyé mes angoisses au fond d'autres regards,
J'ai malgré moi versé vers d'autres tentations
Pour tenter d'effacer le jour de ton départ.

Dans d'autres lits mon corps a chaviré sans toi
Et ma peau a brulé sous bien d'autres caresses,
J'ai crié mes plaisirs, murmuré mes émois
Mais la braise jamais n'efface la tendresse.

J'ai soufflé d'autres noms, aux matins d'autres nuits,
Eveillée dans des bras qui n'étaient pas les tiens
Mais dans mon souvenir une lumière luit,
Etoile d'araignée me gardant en ses liens.

Je reste la captive des désirs de mon âme :
Ces rêves impudiques que tes lèvres ont scéllé,
Nul autre ne saura faire naitre le charme
Que tu avais créé pour mieux m'ensorceler.


30 janvier 2007

L'asile

Comme il était cinglant, ce grand vent, vent des fous
Qui soulait les arbres étourdissant leur feuillage
Et ravissait les simples, animant leurs yeux doux,
L'espoir vissé en eux de voir les fées sans âge.

Comme il était troublant leur incessant murmure,
Ces courageux rêveurs de mondes édéniques,
Ensanglantés à trop cogner contre les murs,
Provoqués par le souffle d'une bise satanique.

Et comme ils étaient las, le jour d'après l'orage,
Braves pantins de cire, privés d'exaltation
Et de l'envie primale d'hurler avec les loups.

Le triomphe éclaire, d'avoir fuit leur prison,
Leurs poudreuses faces, faméliques visages
Et oseront les sages les traiter de fous.

L'ombre de la nuit

Lontemps, je me suis couchée de bonne heure,
Me laissant murer par le temps qui fuit,
Longtemps, j'ai laissé passer le bonheur,
Belle au bois rêvant, éternelle nuit.

J'ai ouvert le yeux un matin d'hiver
Sur ma vie glacée dans son quotidien,
Je ne peux refaire la route à l'envers :
Le temps qui a fuit jamais ne revient.

Je veux dans mes veines, le feu, la passion
Et les heures blanches des matins volés,
Je veux oublier jusqu'à la raison :
Elle a étiolé mon âme exaltée.

Je me donnerai des années de fête,
Des instants magiques volés à la mort.
Je savourerai jusqu'à mes défaites
S'il me faut frémir au goût du remord.

Je veux sentir, lasse, mes lèvres givrées
Par le lent frisson de mes nuits frivoles,
Je veux me griser aux lueurs cuivrées,
Aux odeurs bleutées, fumées qui m'envolent.

Je m'eveillerai à l'aurore en feu,
Le regard brulé par mes souvenirs.
Dans ma tête en fièvre, l'éclat de mes jeux :
L'écho du bonheur nait de mes plaisirs.

Le vent

Mon corps attend la morsure de l'air, les grincements, la ronde folle qui me laisse hagarde, possédée des démons, des esprits décharnés, des vents écartelés au quatre cieux.

J'aime le vent du sud, chaleur, poussière, mélange de senteurs et de ces moiteurs douces qui font aimer la sieste.

J'aime le vent du nord et sa froidure, tempête et main glacée au dos des hommes. Y dansent des cristaux, épées de glace qui meurtrissent les mains et les visages.

J'aime le vent de l'est et ses tumultes, violence primitive et sauvage où courent encore les clameurs et le gémissement des longues plaines.

J'aime le vent de l'ouest et sa fraicheur salée, sa trompeuse douceur qui brise ces voiliers qui avaient cru réduire un souffle en esclavage.

Je crains les jours sereins, le calme plat, fuyant comme on peut fuir, plantée en terre, répétant en une vaine incantation, le nom de tous les vents de ma folie.

J'attends la fin des âges où de fureur des tornades de feu m'arracheront à mon socle de pierre, pour me laisser plantée en un ailleurs grotesque, vivante allégorie de bronze tourmenté.

Troublant écritoire

Au clair de ma brune, je me tiens tremblant
Contre ses douceurs, sa peau papier blanc.
Oh tendre voisine, laisse moi écrire
Sur l'arc de tes hanches, les mots du désir.

Ma plume est volage, qui déjà m'échappe
Au long de ton dos, furtifs pas de loup,
Les lignes qu'elle trace s'enroulent en écharpe
Puis guident mes lèvres au doux de ton cou.
 
Au clair de ma brune dans le parfum bleu
De sa chevelure, je viens m'apaiser.
Ho tendre voisine, laissons nous griser,
Le feu de nos corps m'a laissé frileux.
 
Au cœur de ma plume dormiront les rêves,
Son encre est trop sombre pour les dessiner.
Belle Colombine, peux-tu deviner
Les mots que j'esquisse, que mes doigts achèvent?
 
Au clair de ma brune au regard saphir,
Quand le jour frémit, je m'endormirai
Bercé par un souffle, soupir du zéphyr,
Caressant les courbes où j'aime à errer.
 
À midi ma plume jouera sans détours
Sur mon écritoire, aux jeux de l'amour
Et son encrier se ressourcera
Au sang de tes tempes qui l’enivrera.

En lassitude

Et longues les journées, sur les amours rompues
Et lasses les nuits blanches sur les amours décues,
La tristesse sans fin qui coule à mes oreilles
Résonne dans mon coeur, par ces heures de veille.

Et vaines les journées ou les heures se traînent
Et tourmentées les nuits où les secondes peinent,
Le temps, ce criminel, passe comme un voleur
Et cent fois et sans fin ravive ma douleur.

Et combien passeront de ces mornes soleils
Et combien de ces nuits aux aubes sans sommeil,
Qu'elles sont monotones, ces saisons, ces années
Qui défilent sans trève dans ma vie ravinée.

Et ainsi le temps tasse et ainsi le temps casse
Mes rèves, mes espoirs et ma gaïté d'antan.
Le bonheur fit, hélas, un passage fugace
Dans mon coeur ou frissonne l'écho de ce printemps.

Quand la nuit tombe

Le soir est tombé comme un charme
Sur les nuits bleues de mes désirs,
Ton regard sur moi me désarme,
Doux prélude à mes soupirs.

J'ai ta main douce sur ma main,
J'ai ton coeur brulant prés du mien,
Tu sens mon corps contre le tien
Et ma main au doux de tes reins.

L'heure est tendre et le ciel complice
A éteint toutes ses lumières,
Doucement, les ombres qui glissent
Font tomber toutes mes barrières.

Prisonnière de tous les sens
Mais libérée par tes caresses,
Je m'abandonne dans le silence
Aux plaisirs qui naissent et renaissent.

Nos corps se fondent et s'emmêlent,
Nos regards se cherchent et se noient,
Dans tes bras, je deviens celle
Qui se donne et qui te reçoit.

Insaisissable

Reviens encore, ma scandaleuse,
Poser ta nuit entre mes bras,
Roulée en chat au creux des draps,
Quand tes heures deviendront frileuses.

Bouscule mon sommeil, trouble mon indulgence,
Cerne mes yeux du bleu de ton regard troublance.

Viens me conter, mon infidèle,
Tes inconstances, tes dérobades,
Laisse brûler cette étincelle,
Souvenir de tes escapades.

Bouscule mon sommeil, trouble mon indulgence,
Cerne mes yeux du bleu de ton regard troublance.

Embrase mes heure de veille,
Au feu de ta douce violence,
Quand à l'orée de ton éveil
Crient les démons de ton absence

Bouscule mon sommeil, trouble mon indulgence,
Cerne mes yeux du bleu de ton regard troublance.

Donne-toi, mon inconstante,
Quand les regrets froissent ton âme,
Renverse toutes mes attentes
Sous l'amère pluie de tes larmes.

24 janvier 2007

Ondée

ll fait un peu froid, il pleut juste assez
Et j'ai enfilé pull sur un autre,
J'ai tracé du doigt des lettres enlacées
Là, sur la buée qui voile la vitre.


Contre le carreau, je frissonne un peu
Le regard noyé dans le gris du ciel,
La lumière est douce, mon cœur est au bleu
Dans l'air sucré flotte un parfum de miel.

Les heures s'écoulent lentes et sereines
Au rythme des gouttes qui glissent, tranquilles,
Les fleurs courbées penchent, leurs coroles pleines
En laissant couler l'eau de pluie qui file.

Lasse, fatiguée, j'ai abandonné
Ma tête appuyée sur la vitre en larmes,
Ma joue a reçu le baiser donné
Par le gris du ciel, indicible charme.

Les lèvres posées contre le carreau
Je rends le baiser reçu par ma joue,
Sa saveur mouillée tout contre ma peau
En mouillant mes lèvres maquille ma moue.